sabato 11 ottobre 2014

Michelet, gli effetti del terrore sui costumi

Un Michelet che anticipa Bauman
Les Femmes de la Révolution (1855)
 
 
XXX
INDIFFÉRENCE À LA VIE.- AMOURS RAPIDES DES PRISONS 
 
La prodigalité de la peine de mort avait produit son effet ordinaire:
une étonnante indifférence à la vie.
La Terreur généralement était une loterie. Elle frappait au hasard,
très-souvent frappait à côté. Elle manquait ainsi son objet. Ce grand
sacrifice d'efforts et de sang, cette terrible accumulation de haines,
étaient en pure perte. On sentait confusément, instinctivement,
l'inutilité de ce qui se faisait. De là un grand découragement, une
rapide et funeste démoralisation, une sorte de choléra moral.
Quand le nerf moral se brise, deux choses contraires en adviennent. Les
uns, décidés à vivre à tout prix, s'établissent en pleine boue. Les
autres, d'ennui, de nausée, vont au-devant de la mort, ou du moins ne la
fuient plus.
Cela avait commencé à Lyon; les exécutions trop fréquentes avaient blasé
les spectateurs; un d'eux disait en revenant: «Que ferai-je pour être
guillotiné?» Cinq prisonniers à Paris échappent aux gendarmes; ils
avaient voulu seulement aller encore au Vaudeville. L'un revient au
tribunal: «Je ne puis plus retrouver les autres. Pourriez-vous me dire
où sont nos gendarmes? Donnez-moi des renseignements.»
De pareils signes indiquaient trop que décidément la Terreur s'usait.
Cet effort contre nature ne pouvait plus se soutenir. La nature, la
toute-puissante, l'indomptable nature, qui ne germe nulle part plus
énergiquement que sur les tombeaux, reparaissait victorieuse, sous mille
formes inattendues. La guerre, la terreur, la mort, tout ce qui semblait
contre elle, lui donnaient de nouveaux triomphes. Les femmes ne furent
jamais si fortes. Elles se multipliaient, remuaient tout. L'atrocité de
la loi rendait quasi-légitimes les faiblesses de la grâce. Elles
disaient hardiment, en consolant le prisonnier: «Si je ne suis bonne
aujourd'hui, il sera trop tard demain.» Le matin, on rencontrait de
jolis jeunes imberbes menant le cabriolet à bride abattue, c'étaient
des femmes humaines qui sollicitaient, couraient les puissants du jour.
De là, aux prisons. La charité les menait loin. Consolatrices du dehors,
ou prisonnières du dedans, aucune ne disputait. Être enceinte, pour ces
dernières, c'était une chance de vivre.
Un mot était répété sans cesse, employé à tout: La _nature_! suivre la
nature! Livrez-vous à la nature, etc. Le mot _vie_ succéda en 95:
«Coulons la vie!... Manquer sa vie,» etc.
On frémissait de la manquer, on la saisissait au passage, on en
économisait les miettes. On en volait au destin tout ce qu'on pouvait
dérober. De respect humain, aucun souvenir. La captivité était, en ce
sens, un complet affranchissement. Des hommes graves, des femmes
sérieuses, se livraient aux folles parades, aux dérisions de la mort.
Leur récréation favorite était la répétition préalable du drame suprême,
l'essai de la dernière toilette et les grâces de la guillotine. Ces
lugubres parades comportaient d'audacieuses exhibitions de la beauté; on
voulait faire regretter ce que la mort allait atteindre. Si l'on en
croit un royaliste, de grandes dames humanisées, sur des chaises mal
assurées, hasardaient cette gymnastique. Même à la sombre Conciergerie,
où l'on ne venait guère que pour mourir, la grille tragique et sacrée,
témoin des prédications viriles de madame Roland, vit souvent, à
certaines heures, des scènes bien moins sérieuses; la nuit et la mort
gardaient le secret.
De même que, l'assignat n'inspirant aucune confiance, on hâtait les
transactions, l'homme aussi n'étant pas plus sûr de durer que le papier,
les liaisons se brusquaient, se rompaient, se reformaient avec une
mobilité extraordinaire. L'existence, pour ainsi parler, était
volatilisée. Plus de solide, tout fluide, et bientôt gaz évanoui.
Lavoisier venait d'établir et démontrer la grande idée moderne: solide,
fluide et gazeux, trois formes d'une même substance.
Qu'est-ce que l'homme physique et la vie? Un gaz solidifié.

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